Piloté par le CHU de Lille et le GHT de psychiatrie du Nord Pas-de-Calais, le projet "PEP48" a pour objectif est d'améliorer l'accès aux soins des jeunes présentant un premier épisode psychotique, par une intervention précoce. Ce dispositif de coordination et de sensibilisation des soins primaires et psychiatriques est basé sur le case-management.


Rencontre avec Marion Voisin, infirmière au CMP 59g12 et case-manager au sein du dispositif "PEP48".

Qu’est-ce que ça veut dire être "case-manager PEP48" ? 

  • "PEP" signifie "Premier Episode Psychotique" et "48" correspond à 48h. PEP 48 est un dispositif de coordination des professionnels des soins primaires et des soins psychiatriques qui vise à une prise en charge dans les 48h des jeunes entre 16 et 25 ans présentant un probable premier épisode psychotique.

    La case-manager facilite l’accès aux soins en intervenant précocement. Elle structure et coordonne la prise en charge globale des jeunes (déroulement des soins, formation, insertion sociale, professionnelle entre autres). Elle assure la liaison avec le "jeune" et son secteur de prise en charge. On peut dire qu’elle est la "guide" du parcours de soins du patient. Les case-managers actuels sont des professionnels de secteur (cadre de santé, infirmiers, assistants sociaux éducatifs, éducateurs spécialisés) issus des services du CHU de Lille, des EPSM du GHT de Psychiatrie du Nord Pas-de-Calais ou de la Sauvegarde du Nord. Les caractéristiques essentielles du case management sont : l’évaluation, le développement d’un plan de soins, l’organisation de l’accès aux divers éléments de soins, le bilan et l’évaluation des soins et l’évaluation du patient. Concernant le travail de l’accès aux soins, la qualité des soins, l’ouverture au réseau….

    Une case-manager ne peut pas agir seule. L’intervention précoce dans le cadre du dispositif "PEP48" est à mon sens l’affaire de tous ! Les prises en soins des jeunes au sein de ce dispositif sont plus efficientes que si la totalité des professionnels y est sensibilisé. La constitution du réseau est primordiale. Elle représente la base solide pour que nos actions soient bénéfiques pour les jeunes patients afin d’offrir une prise en soins holistique. Le fait d’avoir un psychiatre dédié aux prises en charge des jeunes au sein de notre secteur est un atout majeur pour favoriser l’accès aux soins et l’intervention précoce. La formation de sensibilisation de ce dispositif auprès des cadres de santé permet également d’obtenir un soutien supplémentaire pour nos actions en tant que case manager. Nous avons à notre disposition plusieurs outils permettant de dépister les patients à risque de transition psychotique (auto questionnaire, CAARMS entre autres) et un outil d’auto évaluation des difficultés et des besoins d’aide (ELADEB). Ces derniers nous permettent en fonction des résultats, de nous guider et de solliciter les collègues pouvant apporter leur expertise dans leurs domaines respectifs. La prise en soins est personnalisée et le parcours du patient plus fluide.

    Nous avons également une approche centrée sur le patient avec un protocole "type" que nous réalisons systématiquement au début de nos prises en soins du jeune comme un bilan sanguin, un ECG, IRM cérébrale, via le réseau "Prédipsy", bilan neuropsychologique, évaluation des comorbidités, entre autres. Nous travaillons très régulièrement en collaboration avec les médecins traitants de nos jeunes et les informons des traitements débutés, des examens réalisés, et de la suite de la prise en charge envisagée. Nous sommes par moment sollicités par les médecins généralistes de notre secteur pour les renseigner quant aux possibilités d’orientation et/ou à une aide diagnostique lorsque des jeunes présentent des signes en faveur d’une décompensation psychotique. D’ailleurs, le site "psychiaclic.fr" leur est d’une grande aide. Ce dernier est un très bon support dans l’aide diagnostique et thérapeutique en psychiatrie destinée à l’accompagnement de la prise de décision des médecins généralistes pendant la consultation. Entre case-managers, notre proximité est particulière. En effet, elle est créée par des rencontres lors de formations complémentaires et des réunions durant lesquelles les pratiques de chacun sont abordées. Ce lien nous permet aussi de savoir spontanément vers quel(le) collègue orienter le jeune patient en fonction de son secteur. Les échanges sont donc plus fluides. 

Pourquoi sur la gestion des cas complexes, et donc sur les PEP, est-il important de travailler les soins différemment ? Notamment l’intervention précoce, les soins intensifs dans le milieu, la coordination professionnelle….

  • Nous prenons en soins des jeunes souvent en situation de rupture scolaire, avec parfois des consommations massives de toxiques, des obligations de soins, des carences d’ordre éducatives, des difficultés sociales, une rupture de la dynamique sociale… Nous travaillons en collaboration avec divers partenaires tels que les équipes d’addictologie, la maison de la santé, la mission locale, les infirmières scolaires, les foyers, entre autres. La case-manager est chargée d’accompagner le patient et d’assurer la liaison avec les différents professionnels concernés. Elle organise des réunions de synthèses si nécessaire, rassemblant dans l’idéal, la totalité des professionnels concernés autour du jeune. La santé sexuelle de nos jeunes doit également faire l’objet d’une vigilance particulière. Il est important d’évoquer avec eux le sujet des IST, de la contraception, de l’importance d’un suivi auprès d’un médecin traitant ou d’un spécialiste chez les jeunes femmes et de les orienter, les accompagner si nécessaire. L’accès aux soins somatiques pour nos jeunes est primordial. Il n’est pas rare dans nos actions de devoir chercher un médecin généraliste pour nos jeunes qui n’ont pas de médecin traitant, un dentiste, un pédicure-podologue, ophtalmologue entre autres. Le fait de les accompagner permet de créer également du lien avec les différents professionnels de santé et ainsi améliorer nos collaborations futures.

    Nous avons tous à cœur de favoriser l’engagement du patient et de sa famille dans les soins tout au long de sa prise en charge. Notre objectif commun est de promouvoir le rétablissement et le retour à une vie ordinaire du jeune et de ses proches.

Quelle plus-value cette fonction apporte-t-elle au patient ?

  • L’intervention précoce lors du premier épisode psychotique permet d’éviter que ne s’installe la chronicisation de la pathologie. Cette prise en soins optimale permet de réduire le besoin de hautes doses d’antipsychotiques, de réduire la perturbation de la dynamique familiale et/ou de la trajectoire des études ou professionnelle. Ces soins intensifs permettent d’éviter le besoin de traitement en milieu intrahospitalier car bien souvent, les jeunes vivent l’hospitalisation comme un "traumatisme". Il a été prouvé que ces prises en soins permettent de réduire les risques de rechute, de passage à l’acte auto et/ou hétéro agressif. Enfin, d’une manière générale, ce type de prise en soins permet de réduire le coût total du traitement.

Comment travaillez-vous avec le patient ? Comme allié de confiance, référent….

  • Il me paraît important de préciser qu’être case-manager ne signifie pas être le référent de tous les patients inclus au sein de ce dispositif. La case manager ne fait pas tout, mais s’assure que tout soit fait. Elle est au cœur de la prise en soins et coordonne les soins. Elle a à cœur de se soucier d’un parcours fluide pour le patient et représente à mon sens, un interlocuteur privilégié pour le patient et sa famille. Nous avons un téléphone professionnel qui nous permet d’être joignables par les jeunes et leur famille. Les jeunes patients sont souvent attachés à l’utilisation de leur téléphones portables, et sont rassurés de pouvoir nous joindre par appel ou sms. Quant aux parents, ils savent qu’ils peuvent également nous contacter directement et utilisent ce moyen pour chercher un soutien moral, une réassurance et parfois demander des conseils (thérapeutiques, éducation entres autres…).
     

D’une manière générale, la case-manager se centre sur les forces et non la pathologie, intervient en fonction de la volonté propre du patient et cherche le patient où il est : le case management n’est pas une "pratique de bureau". Par exemple, il m’est déjà arrivé de donner rendez-vous à des patients dans leur "parc préféré" ou sur un terrain de basket. Une case manager doit être mobilisable et doit montrer un intérêt particulier à leur passion ou leurs lieux favoris. J’ajouterai qu’une case-manager doit aussi s’intéresser aux passions des jeunes (musique, jeux vidéo, réseaux sociaux, entre autres) et actualiser ses connaissances dans ce domaine...